mardi 9 septembre 2014

"Chroniques du pays des mères" d'Elisabeth Vonarburg

Lecture commune du cercle en janvier (après vérification 2013) proposée à plusieurs reprises par Vert, je n'ai pu m'y joindre. Le récent Ray Day, et l'article de Lisbhei, m'a convaincue de le sortir de ma PAL pendant mes vacances.

Résumé

Couverture Chroniques du Pays des Mères Editions Alire 1999Au Pays des Mères, quelque part sur une Terre dévastée du futur en train de se remettre lentement, les hommes sont très rares. Seules les Captes des Familles ­ les Mères ­ font leur enfantes avec les Mâles. Les autres femmes doivent utiliser une forme hasardeuse d'insémination artificielle.
Lisbeï et Tula ne s'en soucient pas trop : filles de la Mère de Béthély, elles grandissent ensemble, soeurs et amies. Mais Lisbeï se révèle stérile ; ne pouvant être la Mère comme elle en avait rêvé, elle doit quitter Béthély, et Tula.
Devenue « exploratrice », elle accomplira un autre de ses rêves : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères. Mais certains rêves sont difficiles à vivre...



Mon avis

Difficile de parler d'un livre qui se révèle complexe à la fois dans sa structure que dans les multiples sujets abordés.

La forme est fascinante. Le récit est à la fois à la troisième et à la première personne. L'ensemble  est centré sur Lisbeï, à la fois par une narration centrée sur elle et par un narrateur qui nous décrypte ses pensées, fait des effets d'annonce sur la suite. Les extraits des journaux de Lisbeï nous permettent de mieux la connaitre, de voir son évolution, la maturation de sa réflexion. Cette forme surprend et déstabilise au départ, avec toujours un doute sur qui parle, qui est mis en avant.

Le postulat de départ étant un monde où la natalité masculine est faible, il y a beaucoup plus de femmes sur cette Terre postcatastrophe supposée écologique. Le voyage de Lisbeï s'est alors transformé en tentative de reconnaissance des lieux, comme s'il m'était nécessaire d'avoir au moins un repère géographique, vu ma désorientation globale, du fait du peu de description purement géographique. De plus, il était difficile de ne pas réagir à la Brétanye, la Litale, Amsterham ...

La femme est mise en avant, dans leur place dans cette société où elles sont majoritaires. Les structures matriarcales, les hommes monnaie d'échange ne sont que le reflet inverse de certaines sociétés actuelles. Les rôles sont inversés et il est difficile pour ces femmes d'entendre la parole de l'homme.
 Les différentes évolutions sociétales ont aussi entrainé des modifications de vocabulaire et grammaticales, notamment le féminin l'emporte sur le masculin, ce qui m'a demandé un bon temps d'adaptation, des doutes sur le genre de certaines.
Derrière ces questions de place, apparaissent aussi des sujets tels que l'eugénisme par la sélection de pédigree, des méthodes de conception, mais aussi des relations entre chaque personne, femmes, homme/femme, familiales.
Les différents sentiments sont mis en avant tout en pudeur et ellipse, plus dans leur conséquences que dans les actes, plus suggérés que décrits ce qui laisse souvent planer le doute sur notre lecture et notre compréhension des faits.

Derrière cette société, on ne peux que suivre Lisbeï dans sa quête de savoir, savoir d'où elle vient, ce que sont devenus les hommes du Déclin.
La quête d'identité reste forte tout au long de ce livre, notamment à travers la place de l'homme, du rôle de chacune selon sa classe Bleue/Rouge.  J'ai beaucoup aimé ses questionnements sur ce qui nous définit en temps qu'être, mais aussi en temps que personne dans une société. Lisbeï voit ce regard changer au fur et à mesure de ses choix, de ses rencontres et ainsi mesure la portée de ses actes. Mais aussi la quête du passé, pour comprendre ce qu'est advenu les sociétés précédentes. Il existe tout un questionnement sur histoire et légende, apprendre à trier les informations et à les croiser pour essayer d'atteindre une certaine réalité de faits.



Le temps est abordé à la fois par le vécu, le passé, mais aussi l'avenir. Le temps à travers la durée de vie de chacune, qui semble pondérée par la maladie, le temps par les découvertes d'artefact des temps anciens.

"Peut être franchit-on plusieurs seuils, et chaque fois on retrouve une sorte d'équilibre, mais au bout d'un certain temps, après trop de transformations, on ne peut plus. 
C'est peut-être cela, vieillir ?"  p515

"Le temps passe. Et notre temps à nous... change. Parce que nous sommes le temps. C'est cela l'Histoir, nous changeons, nous la changeons, elle nous change.
-Pas de manière successive dans la durée : simultanée" p542

La fin ouvre sur une relecture différente. Toute les clés du déclin ou de la mutation ne sont pas données, mais en un chapitre certaines choses s'éclairent et donnent envie de redécouvrir le livre.

Je n'ai pas encore parlé des personnages, tous vus par l’œil de Lisbeï ou par leurs écrits, et ils apportent à chaque fois une profondeur à l'intrigue, font avancer Lisbeï, pourtant assez solitaire vers sa place dans la société, éclairent les évènements par une opinion différentes. Les discussions sur le temps, la découverte d'artefact sont toujours très prenantes par les différents points de vue exprimés. J'aime comparer Lisbeï comme un catalyseur, sa droiture l'amène dans un chemin qu'elle ne soupçonnait pas initialement, mais qui permettent à cette société d'avancer.

Au total : Un classique SF que je ne regrette pas d'avoir enfin sorti de ma PAL et dans de bonnes conditions !

D'autres opinions :   Neph, Olya, Tortoise, Yume, Zahlya


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3 commentaires:

  1. Fond et formes sont fascinantes, j'ai été happé par ce roman :) Tu as raison, il faut que la rencontre entre ce livre et son futur lecteur se fasse dans de bonnes conditions, qu'elle soit voulue. J'ai également lu "Le silence de la cité" (qui se déroule avant mais que Vert conseillait de lire "après")

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  2. Et une convertie de plus :D
    Ravie qu'il t'ait plu !

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  3. Acro : Finalement "le Silence de la cité", tu as aimé ?
    Vert : Merci pour le bon conseil lecture !

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